3 Avril 2020
Voici quelques éléments pour un commentaire de l'Évangile de la Passion.
1. Aux yeux du croyant, toute souffrance humaine est scandaleuse. Si Dieu est un Créateur plein de bonté, comment peut-il tolérer qu’il y ait sur terre tant de malheurs et notamment tant d’innocents qui souffrent injustement ? Telle fut, en son temps, l’interrogation angoissée de Job. Tout en s’estimant non coupable, celui-ci refusa cependant d’imputer purement et simplement à Dieu la responsabilité des épreuves du juste. Une perspective toute nouvelle s’ouvrit avec la figure du Serviteur de Dieu qu’évoque la première lecture de ce dimanche. Ce personnage mystérieux représente ici, selon toute vraisemblance, le peuple d’Israël. Sa vocation est d’être le témoin et le porte-parole de Dieu parmi les nations.Mais c’est dans la douceur et la patience que le Serviteur accomplira sa mission.
Le quatrième chant du Serviteur, inséré dans la liturgie du Vendredi Saint, établit un lien entre les péchés du peuple et la souffrance endurée par le Serviteur. C’est à cause des perversités de la multitude que celui-ci est livré au supplice. Voilà pourquoi son martyre peut être un gage de salut pour les autres.
2. On comprend que les premières générations chrétiennes aient reconnu le Serviteur d’Isaïe sous les traits de Jésus de Nazareth. C’est pour avoir dénoncé les racines humaines du mal que Jésus, en véritable Serviteur de Dieu, subit le martyre. Il est mort parce qu’il s’était engagé jusqu’au bout pour les exclus, les petits, les pécheurs. En cela, il exerce bien une fonction “royale” – et c’est la vérité du récit de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem –, mais sa royauté est celle d’un prophète martyr, dont le destin donne sens et valeur à la “passion” que subissent d’innombrables victimes. Seul un roi humble et pacifique a des chances de régner sur les cœurs de ses semblables.
1e lecture : Is 50, 4-7
Un prophète anonyme se cache derrière les chapitres 40 à 55 du livre d’Isaïe. On situe son action parmi les exilés en Babylonie. Plusieurs de ses poèmes concernent “le serviteur de Dieu”.
Qui est ce “Serviteur de Dieu” ? On peut penser au prophète lui-même, ou au peuple qu’il représente. Les chrétiens aiment identifier ce personnage à Jésus. Les récits de la Passion de Jésus puisent dans ces poèmes pour certains passages. Ainsi la scène des moqueries des soldats évoque le poème qui sert de première lecture en ce dimanche des Rameaux : “Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats”. C’est une manière de suggérer que Jésus “accomplit” les Écritures.
La formule: “un homme qui se laisse instruire” est répétée; elle est une façon de nommer le disciple. Cet homme se nourrit chaque jour de la parole. Il semble bien que le “Serviteur” ici soit le prophète qui reçoit l’instruction du Seigneur pour la communiquer à “celui qui n’en peut plus”, à l’exilé.
Le Serviteur ne se dérobe pas à sa mission parce que sa confiance en Dieu est totale. Qu’importe le malheur présent, puisque le Maître vient à son secours, c’est-à-dire le délivre.
2e lecture: Ph 2, 6-11
Dans la lettre aux Philippiens, on constate combien Paul est profondément attaché au Christ. Il le mentionne presque à chaque phrase. Il insère pour appuyer ses conseils un magnifique chant sur l’abaissement du Christ Jésus.
Le chant comporte deux strophes. La première évoque un mouvement de haut en bas : “Lui qui était dans la condition de Dieu… se dépouilla… s’est abaissé”. La seconde est au contraire une remontée absolue : “Dieu l’a élevé au-dessus de tout”.
En quoi a consisté cet abaissement de Jésus ? Certains pensent à l’Incarnation. Le Fils de Dieu se serait abaissé en devenant le fils de Marie. Cette interprétation ne correspond pas au contexte puisque Paul donne Jésus en exemple: la conduite des Philippiens doit être “la même que celle du Christ Jésus” (Philippiens 2,5). Or personne ne peut imiter le Fils de Dieu dans son Incarnation.
L’abaissement dont a fait preuve Jésus, c’est qu’il a pris la condition de serviteur. Il est venu pour servir et non pour être servi. Il s’est donné jusqu’à mourir et mourir sur une croix. Il n’a pas été un messie triomphant par la puissance et les armes, mais un messie crucifié. Il est resté fidèle à son Père. Les chrétiens peuvent ici imiter l’abaissement de Jésus et prendre leur croix.
Evangile : Mt 26,14-27,66
Les récits de la Passion ont été les premiers morceaux d’évangile à être rédigés sous forme d’un récit construit. Ils ont été écrits après Pâques. La foi de Pâques y transparaît à chaque ligne. Voici quelques particularités du récit chez Matthieu.
Le texte de Matthieu se réfère discrètement au livre de Zacharie où Dieu se plaint que son prophète soit peu estimé : “trente pièces d’argent” comme pour un esclave. La même somme est payée à Judas pour Jésus.
Au moment de l’arrestation, Jésus est parfaitement calme.
Il demande tranquillement de ne pas riposter par le glaive.
Il reste libre et maître de lui-même. Il parle de la fidélité du Père : “Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père…”.
Le récit met en scène ici le Seigneur, le Fils du Père, celui que célèbrent les communautés chrétiennes nées de Pâques.
Le procès contre Jésus est un simulacre, puisque les témoignages sont “faux”. Le grand prêtre reprend les termes de la foi chrétienne : “Jésus est le Messie, le Fils de Dieu”.
Le songe de la femme de Pilate appuie la responsabilité de ceux qui ont livré Jésus. Ces accusateurs deviennent des accusés.
Un “tremblement de terre” accompagne la mort de Jésus : une façon de suggérer que le monde ancien craque et va laisser la place au monde neuf de Dieu. Les saints des temps anciens y ont leur place.
Matthieu truffe son texte de citations et d’allusions à l’Ancien Testament. La mort de Jésus accomplit les prophéties.
Donner sa confiance au Christ, c’est rester fidèle à la foi d’Abraham et de Moïse qui se déploie dans les Écritures.
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