QUAND VIENT LE TEMPS DE QUITTER

« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, à sa mère et jusqu’à sa propre vie…il ne peut être mon disciple. » nous dit Jésus aujourd’hui.

Il nous demande de le « préférer » à tout pour marcher à sa suite.

« Préférer » : pas seulement une histoire de goût, d’attrait, d’affinité.

Mais « préférer»   au sens de « mettre en avant », « porter devant », « faire passer d’abord »

Le mettre en premier Lui, le Seigneur.

Jésus nous dit également ailleurs : l’homme quittera son père, sa mère… 

« Et nul n’aura quitté sans recevoir au centuple ».

Voilà des termes qui résonnent fortement en ce moment où il faut quitter :

- 45 ans de ministères et responsabilités diverses confiées par l’Église,

- 12 années comme curé à St Jean Baptiste de l’Uhabia ,Arcangues.

Temps, pour moi de relecture, de regards rétrospectifs, d’essais de bilan.

Et j’entends la question de Jésus : « Qu’as-tu « préféré « au cours de ce temps ?

Dans quelle Eglise m’as-tu « préféré » ? Comment m’as-tu mis en avant ?

- Pour moi, cela a été dans une Eglise qui parle de Jésus, témoigne de Lui et incite à le suivre.

- une Eglise qui prie, célèbre joyeusement et met en relation avec le Seigneur.

- une Eglise qui manifeste l’Amour de Dieu par ses gestes, ses œuvres, ses services, ses attentions.

Mais plus encore une Eglise qui accueille en se mettant à la portée de celui qui vient.

- une Eglise qui ouvre assez de portes pour que chacun y trouve la sienne

- une Eglise qui invite et donc qui va à la rencontre

- une Eglise qui propose pour que le différent, l’étranger, l’inconnu puisse recevoir ce que Jésus a à lui donner.

Car c’est Lui qui nous dit : « je ne suis pas venu (seulement) pour les bien portants.. »

C’est cette Église qui, dans mon parcours, m’a intrigué, accueilli et m’a appelé jusqu’à bouleverser ma vie.

C’est cette Église que j’ai vécue ici, à la Paroisse, en ses 4 clochers : Ahetze, Arcangues, Arbonne et Bassussarry, chacun avec son caractère propre , enraciné dans son histoire, sa ou ses traditions, son contexte.

Chacun jouant sa partition pour l’harmonie de l’ensemble.

La démarche synodale a mis en exergue la vitalité des communautés : une trentaine d’activités et de services, d’une large diversité, sans se cacher les manques et les points de progression souhaitable.

Mais moi, le prêtre, le curé, seul, je ne pouvais pas grand-chose.

Au-delà de l’activité, de l’animation, du fonctionnement, de la vitalité,

ce sont de multiples visages qui m’habitent, en ce moment :

des présences ponctuelles ou permanentes, du temps donné, souvent sans compter , pour l’ accueil et les services , des responsabilités assumées quoiqu’il en coûte, des générosités discrètes mais efficaces, des relations qui font exister, des encouragements qui confortent, des appels qui stimulent, des conseils qui éclairent, des gestes qui soutiennent dans les moments d’épreuve..de deuil..

Oui, pour moi, en ce moment, ce sont des personnes réelles, des sourires, des paroles, des des coups de mains, des signes . qui remontent dans ma mémoire et remplissent mon cœur.

Avec une infinie gratitude et une intense reconnaissance.

Vous m’avez aidé à être un prêtre heureux, réalisant ma vie d’homme, déployant ma vie de prêtre.

Oui, tous, chacun à sa mesure, vous m’avez permis de vivre une belle expérience pastorale.

Je l’ai vécue avec mon frère ainé, Jean Irastorza de vénérée mémoire, mais aussi mes jeunes frères africains qui nous ont beaucoup apporté, aidé et surtout ouverts à d’autres univers, d’autres Églises: pas moins de 4 pays !

Si bien qu’on peut reconnaitre Arcangues comme un carrefour de rencontres, de milieux, de cultures de chez nous et d’ailleurs.

Mais, ici, nos églises sont au milieu du village et je n’ai eu qu’à me louer des bonnes relations de collaboration avec les Municipalités et les Associations civiles. Nous avons toujours pu bénéficier d’église entretenues, réparées et surtout magnifiquement restaurées.

A tous, élus, responsables et services ,j’exprime, au nom de vous tous, mes plus sincères remerciements.

Le temps est venu pour moi de quitter. Des prêtres ont été nommés.

Vous saurez les accueillir, les soutenir et les aider à continuer la route.

Aussi longtemps que le Seigneur le permettra, je continuerai à le servir dans son Eglise.

En ce moment, malgré la nostalgie légitime, je suis dans l’action de grâce joyeuse.

Comment rendrai au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ?

Dans le pain et le pain que je vais lui présenter dans un instant je joindrai tous les bienfaits qu »il m’a donné de vivre avec vous, pour vous, afin que par son Sacrifice il les transfigure par sa présence, les multiplie et les démultiplie.

Ne les laissons pas perdre.

Puissé je, là où je serai, en fidélité à vous tous, m’en souvenir et en faire bon usage.

Père Dominique Sentucq